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Une cité vivante

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Depuis toujours vouée à être un lieu de vie et d’échanges, les Quartiers Modernes, aujourd’hui Cité Frugès, ont toujours su rester vivants. Depuis les apports aux maisons réalisés par leurs premiers habitants, jusqu’aux projets de restauration en passant par ses évolutions nécessaires, les Quartiers Modernes ne cessent de se réinventer.

Les évolutions et transformations

Ses habitants s’approprient les maisons

Dès leur livraison, les Quartiers Modernes subirent quelques transformations. Avec la difficulté de mise en vente des premières maisons, l’ingénieur Vrinat, alors en charge de surveiller le projet et d’en maintenir la cohérence, fût forcé de faire une entorse aux idées initiales de Le Corbusier. Pour ne pas rajouter à l’apparente interactivité du quartier (peu desservi et éloigné des commerces dû à l’interruption du chantier), il prit le parti de ne pas imposer de règles supplémentaires aux habitants du Monteil, comme notamment le respect de la polychromie extérieure originelle. 

Les toutes premières modifications furent en réalité des réparations à l’économie. Les premiers propriétaires, des familles aux revenus modestes, firent le choix d’optimiser leur logement en rénovant des parties de leur maison. Amélioration de l’étanchéité des terrasses, recherche d’un gain de surface… De quoi rendre leur foyer plus adapté à leur mode de vie, le projet visionnaire de Le Corbusier étant un peu trop révolutionnaire pour certains.

Pendant la seconde guerre mondiale, la maison isolée grand modèle fût détruite victime d’un dommage collatéral suite au bombardement de la voie ferrée par les alliés. Cette explosion souffla une partie des vitrages des maisons du quartier. Cet évènement conduisit certains propriétaires à remplacer certaines des fenêtres en longueur proposées par Le Corbusier par des fenêtres traditionnelles à double battants. Des façades initialement ouvertes furent en partie refermées, des menuiseries furent changées et les Quartiers Modernes Frugès de Le Corbusier poursuivirent leur transformation.

Cher Monsieur, Nous avons fait exprès le voyage à Pessac à la Pentecôte, à la suite des nouvelles alarmantes que nous avions reçues sur la manière dont les nouveaux propriétaires traitaient leurs maisons. Permettez-moi de m’exprimer en toute franchise : Je ne puis arriver à comprendre comment vous, qui avez connu dans quel esprit Pessac a été fait, ayez pu consentir à laisser anéantir la Villa 14 qui a pris l’allure de l’architecture la plus gougeâte des villes d’eau en pseudo-moderne. De même qu’on ait laissé construire tous les arceaux. Et peindre de glycine les quinconces. C’est une horreur véritable et une façon de tarasconnade bien peu séduisante. Les nouveaux propriétaires ne sont pas propriétaires tant qu’ils n’ont pas payé. Le cahier des charges devait comporter une obligation de respect général du voisin et de l’ensemble. J’ai lu un cahier des charges, rien n’y était spécifié. Tout ceci est si lamentable, même si irritant, que je suis bien décidé à faire intervenir M. Loucheur qui a tout fait pour sauver Pessac et qui sera furieux de savoir qu’on laisse tout aller à vau l’eau par une mairie bien regrettable. Je ne vous ai pas caché ma pensée. Je pensais qu’après tout ce que Pessac représente de sacrifice, on ne laisserait tout de même pas les gens s’y ébattre avec leur incompétence fatale. D’ailleurs tous ces braves gens se plaignent d’avoir été laissés sans directives, ni conseils. Je serais heureux de connaitre votre point de vue et surtout d’apprendre que vous pouvez réagir là-bas. Croyez, Cher Monsieur…

— Lettre de Le Corbusier à René VRINAT, le 16 juin 1931

Les évolutions plus récentes

Un Habitat Bon Marché devenu Monuments Historiques

 

C’est en 1973 qu’un basculement s’opère. Un nouveau propriétaire, admirateur du travail de l’architecte, décide de restaurer sa maison arcade (n°3 rue des Arcades) comme Le Corbusier l’avait imaginé. Cette démarche, la première au sein du quartier, entraîna le classement au titre des Monuments Historiques de la maison en 1980. Les abords se voient alors « contraints », englobant ainsi les maisons situées dans un périmètre de 500 mètres.

En 1985, une étude fût réalisée pour évaluer le niveau de conservation de la cité par rapport à l’état d’origine. Cette dernière recommandera également des solutions architecturales et des techniques à mettre en œuvre pour la restauration des Quartiers Modernes. La municipalité s’engage alors dans une démarche active de valorisation et de sauvegarde du quartier du Monteil. Elle reprend les voieries, enfouit les différents réseaux et rétablit les plantations de la manière la plus conforme possible aux plans d’origines. Elle acquiert en 1983 une maison gratte-ciel, aujourd’hui encore la maison témoin au 4 rue Le Corbusier, qu’elle restaure et ouvre au public initiant ainsi un chantier expérimental.

De plus en plus de propriétaires entreprennent des travaux de restauration. Dans les années 1990 c’est l’Office public de l’habitat de la métropole bordelaise Aquitanis qui achète et réhabilite quatre habitations de la Cité Frugès (deux maisons gratte-ciel, une maison arcade et une maison quinconce). Louées depuis plus de 20 ans, ces maisons participent au maintien de la vocation sociale initiale des Quartiers Modernes Frugès.

Les différentes contributions des experts, historiens, architectes et sociologues aboutissent en 1998 à la création d’une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) établissant les règles de l’entretien et la restauration des maisons. 

Depuis, le paysage de la Cité Frugès est en constante évolution au gré des restaurations.

Les travaux

Les chantiers de restauration et d’aménagement

La reconnaissance patrimoniale des Quartiers Modernes Frugès, en constante progression depuis la fin des années 1960, a donné lieu à des mesures de protection chaque fois plus adaptées à sa valeur historique. Concomitamment, les doctrines et schémas directeurs de conservation du site ont considérablement évolués jusqu’à avoir pour référence aujourd’hui la Déclaration de Valeur Universelle Exceptionnelle reconnue par le Comité du patrimoine mondial de l’Unesco.

Désormais les chantiers de restauration et d’aménagements réalisés à la Cité Frugès -dans ses rues, ses jardins et ses maisons- répondent aux grands enjeux patrimoniaux mais aussi sociétaux de notre époque.

Le plan d’urbanisme de Le Corbusier a bénéficié de travaux de réhabilitation dès les années 1990. La voirie a alors retrouvé un dessin proche de celui prévu par les architectes, les réseaux ont été enfouis et des arbres plantés dans l’espace public. Plus récemment, des travaux de voirie ont été réalisés afin de notamment permettre une mise en séparatif des réseaux d’assainissement.

Prochainement, la reprise des voiries donnera lieu à un chantier qui tiendra compte des nouvelles connaissances historiques concernant le site mais aussi des aménagements patrimoniaux et de l’évolution des usages dans ce quartier à la fois habité et visité. 

 

Les cinquante maisons de la Cité Frugès sont aujourd’hui toutes protégées au titre de monument historique. Les travaux d’entretien, de réparation et de restauration qui y sont réalisés, bénéficient de l’encadrement de l’État et de son accompagnement financier ainsi que de celui de la Ville de Pessac. Ils sont portés par les propriétaires des bâtiments et s’efforcent de répondre systématiquement tant à leurs projets qu’à la valeur historique et patrimoniale du site et des bâtiments.

Projets à venir

Restauration de la Maison témoin

 

La maison appartenant à la Ville de Pessac nécessite des travaux d’entretien mais aussi de restauration de type muséal. Aujourd’hui classée au titre des Monuments historiques elle peut prétendre à bénéficier d’une restauration exemplaire portée par de nouvelles intentions et de nouveaux objectifs.

1986 – Première restauration
Acquise par la Ville de Pessac en 1983, la maison de type gratte-ciel sise 4 rue Le Corbusier, a bénéficié d’une restauration en 1986 et est ouverte au public l’année suivante.
Cette opération était complémentaire du rapport de sauvegarde et de réhabilitation des Quartiers Modernes Frugès réalisé entre 1982 et 1985 visant « à dégager une ligne directrice des modes d’intervention acceptables sur la Cité, en tenant compte simultanément des aspirations des habitants, de l’état actuel des édifices, des qualités architecturales et urbaines de l’ensemble ». Le chantier expérimental avait pour but de « permettre d’appliquer et de vérifier de façon exemplaire la mise en œuvre technique des recommandations d’intervention, issues de la doctrine de sauvegarde », de « démontrer la nécessité et les solutions architecturales et techniques d’une protection du patrimoine bien comprise ».

Aujourd’hui – Nouvelle restauration
Le contexte patrimonial et la valorisation de la maison au sein du site ont fortement évolués depuis la fin des années 80.
La reconnaissance internationale des Quartiers Modernes Frugès octroyée par l’inscription de l’Œuvre architecturale de Le Corbusier sur la Liste du patrimoine mondial force à repenser la conservation de la maison ainsi que l’accueil et la médiation à l’adresse des visiteurs. Le plan de gestion pour la Cité
Frugès prévoit la mise en valeur du site dans son intégralité urbaine.
Pour atteindre cet objectif, il ambitionne la conception d’un nouveau cadre d’accueil des visiteurs :
– la création d’un nouvel équipement affecté à l’accueil et à la médiation grand public et scolaire,
– complété d’un circuit d’interprétation plus spécifiquement dédiés aux aspects urbanistiques du projet de Le Corbusier et Pierre Jeanneret ,
– d’un espace muséal dédié, témoin de la réflexion architecturale, constructive et sociale des architectes, la maison « gratte-ciel », restaurée au plus proche de leurs intentions initiales,
– d’un jardin d’interprétation partagé destiné à tous les usagers du site permettant à la fois la tenue en extérieur d’expositions permanentes et temporaires, de moments conviviaux ou récréatifs pour les habitants et les visiteurs,
– des espaces affectés à la recherche et à la diffusion. La médiathèque Jacques Ellul et son auditorium existent déjà au sein du pôle culturel de Camponac distant de 300 mètres des Quartiers Modernes Frugès.
Ce nouveau cadre d’accueil participera à l’amélioration des conditions d’accueil et d’accès à la connaissance du site. Il offrira les meilleures conditions de présentation du bâtiment propriété de la Ville, désormais inadapté à la réception d’un grand nombre quotidien de visiteurs.
Par ailleurs, ce « gratte-ciel » est dorénavant la seule maison du quartier n’étant plus destinée à être habitée ; une véritable vocation muséale peut lui être attribuée. En effet toutes les maisons des Quartiers Modernes Frugès ont conservé leur fonctionnalité initiale de logement et par conséquent, ont dues et doivent toujours pouvoir bénéficier d’adaptations inhérentes aux modes de vie actuels. (Un nouveau schéma directeur de conservation, en cours d’élaboration, permet déjà d’accompagner ces aménagements.)
Ces adaptations, bien que respectueuses des concepts corbuséens, ne permettent plus de témoigner de certains des aspects qui contribuaient à la dimension visionnaire, révolutionnaire et utopique du projet de ses architectes. La nouvelle restauration du 4 rue Le Corbusier aura donc pour objectif de faire connaître fidèlement le concept de maison moderne élaboré par Le Corbusier et Pierre Jeanneret dans les années 1920.

Le projet
Un espace d’interprétation du concept corbuséen aux Quartiers Modernes Frugès :
Actuellement, l’état des connaissances permet de procéder à une restauration exigeante de la maison, ainsi qu’à la restitution fidèle des éléments livrés en 1926. De plus, de nouvelles investigations permettront de compléter ses connaissances et de procéder aussi à un travail subtil de reconstitution des éléments projetés mais non réalisés. En effet, à l’époque, faute de financement certains détails n’ont pas vu le jour, alors qu’ils ont été dessinés. Une telle reconstitution ajoutera à la compréhension de la proposition utopique de Le Corbusier.
Aussi, une attention particulière sera portée à la restauration fidèle du bâti et des distributions traduisant le travail de design de l’espace mais aussi des composantes de l’équipement et de l’aménagement des espaces, illustrant ainsi l’avant-garde de la proposition fonctionnelle, plastique et sanitaire, du concept de « machine à habiter ».
Des solutions respectueuses et patrimonialement adaptées seront trouvées, lorsque cela s’avèrera nécessaire, pour permettre l’accès à tous les espaces intérieurs et extérieurs.
La reconstitution de l’aménagement du jardin sera mise en œuvre avec prise en compte des contraintes relatives à l’accueil du public et au caractère habité du site.

Un chantier de restauration expérimental et exemplaire
Le chantier sera l’occasion d’enrichir la connaissance scientifique et technique du bâtiment, ainsi que celle de son fonctionnement et de les intégrer à l’outil H-BIM. Les études et diagnostics structurels réalisées pour la restauration devront être profitables aux futurs chantiers de restaurations concernant les autres bâtiments, notamment ceux de même typologie constructive. La plus grande attention sera portée aux méthodologies d’étude et d’analyse de tous les aspects du bâtiment tant du point de vue de sa matérialité -bétons, enduits, menuiseries, polychromie…- que de son fonctionnement -fluides, étanchéité, thermie, système de chauffage ou ventilation…-.
Les options de restauration relatives à la conservation, ainsi que les solutions techniques et règlementaires pouvant éclairer de futurs chantiers à la Cité Frugès seront partagées.
Les différentes phases du chantier (des étapes archéologiques, aux choix définitifs de restitution, en passant par les étapes de dérestauration) donneront lieu à des actions de médiation avec visite de chantier chaque fois que cela sera possible.
Des aménagements limités, le moins impactant et les plus respectueux de l’intégrité patrimoniale du bâtiment, faciliteront l’entretien de celui-ci et intègreront les besoins inhérents à l’installation d’expositions temporaires légères.
Par ailleurs et afin de garder la mémoire de chantier, celui-ci sera documenté avec un parti-pris à la fois plastique et pédagogique propices à la médiation.
Le concours de l’ensemble des partenaires du projet, lors de l’ensemble de ces phases, est indispensable au bon déroulé de l’ensemble de ce projet.

Les objectifs de conservation se traduiront donc par la restauration, la restitution et la reconstitution du projet initial de 1924-1926.
Il s’agira de rétablir le bâtiment dans ses stricts volumes extérieurs et intérieurs. Y compris pour les différentes distributions et circulations afin de donner une lecture fidèle du dessin de l’architecte. Les éléments manquant de second œuvre seront restitués ou reproduits